Le jour
se lève, je suis encore debout lorsque Stéphane pénètre dans ma cellule,
accompagné par huit gardes armés tous plus
grands que moi – la bête n’est pas morte, semble-t-il. Nous sortons, traversons
plusieurs couloirs, franchissons des portes, pour nous retrouver enfin dans une
grande cour où se dresse un poteau d’exécution, où m’attend un peloton
militaire.
J’ai menti. J’ai passé une nuit entière, la dernière
peut-être, à me mentir. Je veux pas crever comme ça. Ça va être bref, sordide,
définitif, aussi minable que l’assassinat du taureau dans l’arène, sans
personne pour chanter ma légende, mon courage dans la mort. Moi, j’aurais voulu
une grande scène, belle, un long travelling, au ralenti, les balles qui convergent
toutes ensemble vers mon cœur, et, à l’instant de l’impact, faire un simple pas
de côté pour voir ma poitrine qui explose, pour admirer ma mort, puis crier
« Coupez », et jouer encore, tout de suite, une autre partie, une
autre scène, avec le même personnage, puisque décidément, c’est lui mon
préféré. Je me fous de ma légende si je ne suis plus là pour l’entendre. Je ne
veux pas crever. Je veux vivre, tourner le dos à la forêt, retourner sur la
plage, et traverser l’océan, atteindre de nouveaux mondes, les conquérir, tous.
Oui, je veux tout, encore.
Je
regarde attentivement autour de moi, je fais le point.
Digression
Là
encore, ami lecteur, tu peux faire un dessin, mais attention, ça va être bref.
Fin de la digression
Outre
les huit gardes, Stéphane et les hommes du peloton d’exécution, il y a une
dizaine de soldats dans la cour, tous armés, auxquels il faut ajouter deux
hommes qui servent une mitrailleuse lourde dans chaque mirador situé aux quatre
coins de l’enceinte qui clôt la cour, enceinte aux murs de cinq mètres de haut,
protégés en leur sommet par des barbelés, et trois autres, enfin, qui
contrôlent l’ouverture d’une porte en métal semblant conduire à l’extérieur.
Bien sûr, je suis seul, et désarmé aussi, mais mes gardes n’ont pas pris la
peine de m’attacher.
Je
regarde de nouveau, bien en face, la situation, puis, je souris, décidément
comme toujours, ou presque, et me dis à moi seul : « Il est trop
tard », et ces mots sont terribles, peut-être même n’y en a-t-il pas de
plus terribles. Stéphane s’approche :
— Une
dernière parole, peut-être ?
— Oui.
Je gagne toujours à la fin.