À
l’épaule un sac, dedans quelques armes, au cas où, de faux papiers et des
vêtements civils, je suis dans un taxi en route pour l’aérodrome.
Je
songe à mon honneur, peut-être aussi à ma gloire. Je me trouve lâche,
évidemment inconséquent, parjure bien sûr. Artémise et Bixente me manquent. Je
regarde mon jouet, je l’ai obtenu à force de caprices, mais je n’en veux plus,
ou bien pour le briser, toujours. Nous arrivons à l’entrée de l’aérodrome, je
donne au taxi l’adresse de notre camp d’entraînement :
— I’ve
changed my mind. Drive there.
Vaquette ! t’es lourd ! t’abuses ! t’es
chiant ! Là, franchement, ce n’est plus possible ! – si ! c’est
possible. Nous roulons, et j’ai le sentiment du devoir accompli. J’ai mal au
ventre aussi. Nous approchons de la caserne, mes viscères se nouent un peu
plus. Nous longeons l’enceinte du camp, la douleur devient paralysante. La
porte d’entrée est droit devant nous, le taxi ralentit, ma gorge est prise,
j’étouffe. Le chauffeur s’arrête, se retourne, m’annonce le prix de la course,
je peux à peine avaler un peu d’air, juste assez pour l’expirer en cinq
mots :
— Go
back to the airport.
Mon
anglais est décevant, ou bien le chauffeur est pakistanais : il ne semble
pas me comprendre. Je respire, profondément, retrouve intactes mes capacités
pulmonaires, et mon aplomb aussi, mon autorité :
— I will pay you. Go back to the airport. Right now.
Nous roulons de nouveau, en sens inverse, et je deviens
peu à peu léger, léger, léger, si léger, que je pourrais m’envoler seul
jusqu’en France.