Chapitre 41
:
Vaquette est lourd

À l’épaule un sac, dedans quelques armes, au cas où, de faux papiers et des vêtements civils, je suis dans un taxi en route po

À l’épaule un sac, dedans quelques armes, au cas où, de faux papiers et des vêtements civils, je suis dans un taxi en route pour l’aérodrome.

Je songe à mon honneur, peut-être aussi à ma gloire. Je me trouve lâche, évidemment inconséquent, parjure bien sûr. Artémise et Bixente me manquent. Je regarde mon jouet, je l’ai obtenu à force de caprices, mais je n’en veux plus, ou bien pour le briser, toujours. Nous arrivons à l’entrée de l’aérodrome, je donne au taxi l’adresse de notre camp d’entraînement :

— I’ve changed my mind. Drive there.

Vaquette ! t’es lourd ! t’abuses ! t’es chiant ! Là, franchement, ce n’est plus possible ! – si ! c’est possible. Nous roulons, et j’ai le sentiment du devoir accompli. J’ai mal au ventre aussi. Nous approchons de la caserne, mes viscères se nouent un peu plus. Nous longeons l’enceinte du camp, la douleur devient paralysante. La porte d’entrée est droit devant nous, le taxi ralentit, ma gorge est prise, j’étouffe. Le chauffeur s’arrête, se retourne, m’annonce le prix de la course, je peux à peine avaler un peu d’air, juste assez pour l’expirer en cinq mots :

— Go back to the airport.

Mon anglais est décevant, ou bien le chauffeur est pakistanais : il ne semble pas me comprendre. Je respire, profondément, retrouve intactes mes capacités pulmonaires, et mon aplomb aussi, mon autorité :

— I will pay you. Go back to the airport. Right now.

Nous roulons de nouveau, en sens inverse, et je deviens peu à peu léger, léger, léger, si léger, que je pourrais m’envoler seul jusqu’en France.