En
uniforme, médailles sur la poitrine, je pénètre dans le bureau du colonel qui
commande le camp.
— Bonjour colonel, je peux vous déranger un
instant ?
— Bien
sûr colonel. Entrez, je vous en prie. Qu’est-ce qui vous amène ?
— Je m’en vais. Je rentre en France, chez moi, à
l’instant. Je quitte l’armée si vous préférez. Vous pouvez confier mon commando
au capitaine Majakovic, il a toutes les qualités requises pour en assumer le
commandement. Je tenais également à vous remercier pour votre accueil qui fut
parfait. Voilà, ce fut bref, mais bon, ou plutôt, ce fut bref mais court.
Je lui
souris. Lui tends la main.
Le mal
des transports, toujours. Je serais venu, accompagné de quelques tachyons pour
lui annoncer l’invasion imminente de la Terre par de cruels Martiens, il
n’aurait pas été plus étonné, plus abasourdi, plus désorienté – décidément, les
bas tiennent mal sur le sol d’Albion.
— Vous
ne pouvez pas faire ça.
— Et
pourquoi ? La porte est fermée et vous avez perdu la clef ? C’est la
grève des contrôleurs aériens ? Le mariage de votre femme, c’est demain,
et j’ai promis à votre amant de venir ? Voyons colonel, j’ai une tête,
deux jambes : je peux aller où bon me semble. Je vous tends de nouveau la
main ?
Je lui
tends de nouveau la main.
— Mais
colonel, c’est une désertion !
— Oh ! Tout de suite les grands mots ! Disons
une inflexion dans ma carrière du crime – allez, je vous le confie d’homme à
homme, je rentre en France violenter quelques enfants belges en bas âge. Sérieusement,
vous allez procéder à l’arrestation d’un colonel, colonel ? Peut-être me
tirer dans le dos lorsque je sortirai ? Me torturer pour que je revienne
sur ma décision ? J’ai manifestement fait une erreur en intégrant l’armée,
je regrette ma faiblesse, disons que je la répare aujourd’hui sans attendre,
pour le bien de tous. Soyez certain que j’aurais fait un exécrable militaire.
Sans rancune ?
Je lui tends pour la troisième fois la main. Toujours à
sa stupeur, il insiste d’un « Mais… colonel ! » malvenu.
Décidément, il n’y a rien à attendre de ces gens-là. Je le quitte d’un
« Adieu colonel », lui tourne le dos, sors de son bureau, traverse le
camp, franchis la porte d’entrée sous le salut des gardes, stoppe un véhicule
militaire français, et commets, il me semble, mon premier abus de
pouvoir : « Emmenez-moi à Londres immédiatement, c’est urgent. »