Ami-camarade adorateur du Grand Mythe Vaquettien,
320 pages de notes tapuscrites, à peine un peu moins de feuilles volantes, la plupart A4 recto verso et plus de 500 passages stabilobossés dans un petit (ou un gros, c’est selon) paquet de livres de référence. Et ce, uniquement pour ce nouveau chapitre. Et uniquement en guise de travail préalable…
Oh ! Non !, me rétorquerez-vous – j’en ai parfaitement et cruellement conscience –, encore des chiffres ! Des chiffres égrenés Encyclique après Encyclique pour vous parler de mon nouveau roman en lieu et place d’une date. Celle de sa parution. Enfin…
Des chiffres. Comme un comptable. Comme un obsédé de la performance qui serait une fin en soi et qui, les yeux sur le compteur de son VTT, tenterait de se convaincre (et de convaincre les derniers supporters qui n’ont pas encore déserté ce bord de route boueux pour lui préférer une vraie course diffusée sur une chaîne nationale et dont on pourra lire demain le compte rendu dans l’Équipe, le Monde ou Télérama, avec des pros couverts de pubs, pas juste un guignol underground avec un maillot rouge qu’aucun sponsor n’a daigné honorer de son image pour lui donner de la valeur et faire un peu sérieux) que les kilomètres qui défilent ont un sens alors que cela fait des heures qu’il parcourt en boucle la même route secondaire en chantant, comme un dément dans sa barbe, ces quatre vers de My Way : "I planned each charted course, each careful step along the byway, and more, much more than this, I did it my way…" Ou tenez !, pire encore (peut-être – ?), des chiffres, comme un type qui n’arrive pas à bander et qui raconte à qui veut l’entendre qu’il a pécho mille et une maîtresses en espérant qu’un puceau naïf le croira. Tenez ! Avec un tee-shirt de pompier ou de CRS sur les épaules pour faire plus virile et parachever le ridicule.
J’ai, je le répète, parfaitement et cruellement conscience que tout cela ne pourrait sembler que le comportement morbide (et très banal) de celui qui, ayant peur d’aboutir un projet, d’avoir à se confronter à son résultat autrement que sur le mode rassurant du fantasme, fait preuve d’imagination encore et toujours pour trouver des excuses afin d’indéfiniment repousser l’instant où il devra bien se démasquer et avouer à tous que, bon… ben… en fait, j’arrive pas à l’écrire mon bouquin…
Mais je vous rassure, ce qui précède n’est, vraiment d’aucune manière, ni de près ni de loin, un genre d’aveu plus ou moins maquillé. Ce roman, je vais le terminer, comme j’ai terminé tous mes projets précédents. Aussi bien. Avec la même opiniâtreté. La même exigence. Et avec le temps dont j’aurai besoin. Pas moins. Mais pas plus. Et j’ajoute que je n’ai aucun plaisir malsain à faire dans l’inflation de pages comme si l’épaisseur d’un livre était un signe de qualité, de performance ou de bravoure : mon bouquin se serait suffi en cent pages, je jure que cela m’aurait été parfaitement, seul compte à mes yeux qu’il soit aussi… "bien" qu’il le mérite, en allant au bout de ce dont je suis capable et de ce qu’exigent ma trame, mes personnages et mon sujet.
Alors comprenez plutôt ces chiffres comme ceux, non plus d’un cycliste mais d’un marin qui, seul et en haute mer, est à l’ouest depuis trop longtemps, parti pour chercher le chemin des Indes et qui, pour ne pas devenir tout à fait fou, sort chaque jour son sextant, fait le point, note sa progression sur sa carte, absolument vierge puisqu’il est sur un coin de terre encore inconnu, pour être bien certain que, malgré la pétole du Pot au noir, les tempêtes tropicales et les vents contraires, il avance, bon an mal an, et que, si d’aventure, un jour, dans une épave échouée sur un récif – qui sait ?, ultime ironie – à simplement quelques milles marins des Amériques, on retrouve son journal de bord à côté d’un squelette qui porte encore une pièce de cuir ou de soie rouges accrochée à son astragale, on puisse peut-être penser que ce marin courait après un rêve erroné et fou – "les naufragés et leur peine qui ont jeté l’ancre ici et arrêté d’écrire : always lost in the sea" ; on sait bien, nous, aujourd’hui, qu’en navigant vers l’ouest, il faut bien plus que traverser l’Atlantique pour rejoindre le Bengale ou Ceylan : forcément, c’est plus facile à dire plus d’un siècle après, au sec et au chaud dans un salon nautique ou littéraire –, mais du moins qu’il n’est pas resté sur le pont à profiter du soleil au lieu de hisser la grand-voile – appelons ça un restant d’orgueil. Peut-être dérisoire. Admettons. "Ô sombres héros de l’amer qui ont su traverser les océans du vide, à la mémoire de nos frères dont les sanglots si longs faisaient couler l'acide"…
Et tenez ! On va rester dans du Noir Désir. "Au risque de m’y plaire au moment de m’y croire." Je vous avais laissés là à la fin de ma dernière Encyclique (enfin, l’avant-dernière, la dernière consacrée au "work in progress" du roman) : "ce qui arrive, je suis sûr que je sais l’écrire : du (pour aller très et trop vite) revendicatif social (…), vous verrez bien si je n’ai que de la bouche, je crains dégun…" – ça fait mal à relire, et c’est tout moi : j’aurais dû taire ma gueule.
Parce qu’à peine ai-je ouvert la boîte de pandore de ce dernier chapitre, que tout est devenu violemment moins simple. D’abord, il y a des trucs intimes qui me sont remontés salement droit dans la face, les mêmes qui m’avaient conduit à me lancer dans ce bouquin (je reste délibérément vague, je vous raconterai peut-être ça moins imprécisément un jour si je fais mon coming out de proxo (il faut bien vivre, madame la juge, et voler l’intermittence du spectacle, ça nourrit son homme, certes, mais ça ne permet pas d’agrémenter les repas de Romanée-Conti ni même de Haut-Brion chaque week-end, enfin, du moins dans un millésime acceptable à défaut de 1945)). Disons que ça ne m’a pas aidé, du tout : la tête sous l’eau, on respire moins bien qu’en plein air, devrait-on être nageur.
Ensuite, je me suis retrouvé face à des problèmes techniques d’équilibre romanesque. Je veux dire que si j’avais raconté la vie de mon héroïne l’air de rien en parlant de prostitution comme si ce "passage à l’acte" était aussi anodin que de gagner sa vie en donnant des cours de piano, de physique ou d’anglais trois jours par semaine à 300 euros de l’heure, vous auriez été en droit de me jeter des pierres en me signifiant que j’avais sans vergogne fui mon sujet. Comme un lâche. Pas le genre de la maison. Mais à l’inverse, me lancer exclusivement dans une "analyse critique" aux airs de pamphlet en réduisant sans scrupule mon personnage à un prétexte, comme si subitement sa personnalité et sa vie pouvaient se résumer à un archétype que chacun croit connaître : la pute ! Comme si tout le reste, comme pour chacun de nous, cessait d’exister et d’avoir son importance quelle que soit la façon dont on gagne ses sous. Comme si le même acte professionnel, quel que soit le métier, n’était pas vécu différemment en fonction de la personnalité de chacun. Comme si le mot magique "prostitution" interdisait subitement toute distance, toute nuance et exigeait un jugement de chaque instant nécessairement manichéen. Sans compter qu’il fallait continuer à faire vivre leur histoire d’amour, à nos deux amants, sans pour autant radoter les chapitres précédents qui mettaient en scène leur magnifique passion. Bref, "techniquement", j’ai été confronté à pas mal de problèmes d’équilibre à résoudre que, de loin, avant d’avoir le nez collé dessus, je n’avais pas réellement identifiés.
Enfin, vous comme moi j’imagine (moi, c’est certain), nous attendons que, disons, sur "la question politique et sociale de la prostitution", je sorte autre chose d’un peu (je veux dire de beaucoup, bien sûr) plus profond et réfléchi et structuré et subtil que les trois "arguments" simplistes qui sont le fond de commerce d’un camp ou de l’autre et qui sont indéfiniment radotés sur les tracts, dans les publireportages, les articles de presse, les blogs, les forums, les débats télé, les bouquins grand public, etc., amplement consacrés au sujet. Ou alors il ne fallait pas mettre un doigt de pied dans une problématique à ce point sensible et polémique, ou du moins il ne fallait pas s’attaquer à un roman en mettant "pute" dans le titre tout en parlant encore et toujours d’exigence et de cohérence intellectuelle, mais en rester au stade du dessin de presse – je vous renvoie à la colonne de droite.
Sans compter qu’un roman, c’est de la vie, du concret, du quotidien et que, là encore, j’avais envie de m’éloigner plus qu’un peu des clichés misérabilistes qui empestent, des fantasmes des clients tellement loin du ressenti des putes ou de ceux des "artistes" qui esthétisent et érotisent la prostitution et la figure littéraire de… "l’hétaïre" sans beaucoup s’occuper des humains cachés derrière ces tableaux pompiers du XIXe siècle.
Je me suis donc fait un devoir de "tout" lire (formulation bêtement prétentieuse) sur le sujet, et ce quelles que soient la chapelle et (on va dire poliment ça comme ça, parce que de la crétinerie, je m’en suis mangée) le niveau de complexité du propos, ce à quoi il faut ajouter également un paquet de témoignages, notamment ceux de Nicole Castioni et de Claire Carthonnet que je tiens particulièrement à citer – respect, mesdames.
J’ai ainsi et entre autres pu me plonger dans le féminisme radical majoritairement nord-américain – les références qui me semblent essentielles seront, je pense, amplement citées dans le roman, je vous renvoie donc à lui pour plus de précisions – et c’est, en particulier, Wendy McElroy, "féministe individualiste libertaire" pour ceux qui veulent une étiquette, qui m’a grandement aidé à sortir par le haut de mes doutes et de ma casuistique et qui m’a fait comprendre pourquoi, par-delà mon passé de proxo (on a dit, madame la juge, mais c’était pour une cause noble, Bacchus, et puis, ça va !, je ne serais pas le premier, Aspasie et Périclès formaient le couple le plus hype (et le plus décrié) de toute la Grèce antique) et par-delà aussi l’imaginaire anarchiste de la pute, figure tutélaire de la nuit et de la transgression dont Grisélidis Réal fut un bien bel héraut, je me suis retrouvé de manière cohérente et logique, j’ajouterais si j’osais nécessaire (pour moi et mon travail), à poser mon cœur, mon cerveau puis ma plume dans cet univers : "Maintenant, à mon âge, je me fous de tout. Il faut terminer tout ça en beauté, avec fracas, panache et gloire" – puisqu’on parle de Grisélidis, autant la citer.
Wendy McElroy explique à quel point le chemin du féminisme – enfin, d’un certain féminisme qu’on qualifiera de "progressiste" et "contestataire" – a historiquement toujours été intimement lié à celui du combat pour la liberté d’expression (je ne développe pas précisément ici, mais c’est vraiment intéressant), les deux ayant toujours eu à affronter, avant tout, ceux qui considèrent le monde comme une réalité binaire avec le bien d’un côté (eux et leur morale, et ce, quelle que soit cette morale) et le mal de l’autre (les femmes qui baisent, le diable ou l’hérésie, et ce, quels que soient ce diable ou cette hérésie), tous ceux qui regardent la liberté comme avant tout suspecte, potentiellement dangereuse dans le sens où elle pourrait, si on n’y prend pas garde, détourner les gens du droit chemin. Elle explique aussi que de demander à l’État et à ses outils répressifs de lutter contre les oppressions que subissent les damnés de la terre (pardon, les damné-E-s, c’est plus politiquement correct écrit comme ça et, de toute façon, cette réalité s’accorde plus souvent au féminin qu’autre chose) est, au mieux, une illusion naïve, mais plus souvent un double discours malhonnête destiné avant tout à renforcer le pouvoir des curés de tous bords, éternellement bien nourris.
Je ne vais pas vous dévoiler ici tout mon bouquin bien sûr (ou plus exactement la partie "analyse théorique" de ce chapitre), mais disons que, pour aller vite, ma défense de la liberté d’expression absolue dans "Je gagne toujours à la fin", mon attaque frontale, dans ma "Conjuration de la peur", du contrôle social par les puritains de droite comme de gauche qui année après année tentent de réduire nos libertés individuelles et nos espaces de déviance, mon "Je ne suis pas Charlie" qui fait le constat que la bourgeoisie culturelle a totalement abandonné le terrain de "la lutte des classes" pour n’être plus qu’une officine répressive destinée à faire la morale aux dominés sociaux qui "pensent mal" et "se comportent mal", tout ça (et en cherchant juste un peu, on pourrait trouver d’autres passerelles dans tous mes travails depuis le premier jour, et dans tout mon parcours "professionnel" aussi d’ailleurs, et dans ma vie en général), une fois encore, je suis blindé, ce n’est pas moi mais une intellectuelle féministe qui le défend brillamment, tout ça c’est une seule et même chose, une éternelle et violente ligne de fracture entre ceux qui, depuis Sarkozy jusqu’aux petits flics de l’extrême gauche ou de l’anarchie autoproclamées (alignés sur le sujet sur les pires puritains cathos d’extrême droite : décidément, ces gens ne supportent ni la déviance ni la liberté, et pas beaucoup les pauvres non plus d’ailleurs, qu’ils soient FN, barbus ou prostituées) en passant par les Fourest de tout poil, prétendent parler au nom du bien et du mal et veulent policer – ou plutôt fliquer, c’est plus explicite – non seulement les comportements mais aussi les consciences et les inconscients ; et ceux qui, comme moi, comme Wendy McElroy, ou les féministes "pro-sexe et pro-putes", ou la quasi-totalité des associations de terrain (à l’exception dégueulassement notable des fous furieux du Nid dont la croisade (le mot est de Ronald Weitzer qui a analysé leur fabrique à mensonges et leur propagande délibérément construite) ne peut se comprendre sérieusement, intelligemment et profondément qu’à l’aune de cette phrase de Gramsci cyniquement reprise par Sarkozy (quand je vous disais que tout se tient dans mon parcours et mon travail…) et vingt ans avant lui par tous les think tanks réactionnaires américains : "l’hégémonie idéologique et culturelle précède la victoire politique") depuis Médecins du monde jusqu’à Act Up en passant par Amnesty international, Cabiria, etc., tous ceux qui sont vent debout contre la pénalisation du client qui se prépare comme ils l’ont été contre la pénalisation du racolage passif et des lois Sarkozy… et contre aussi la pénalisation du port du voile, quel étonnant hasard… – ça va !, on est minoritaires mais on est tout de même loin sur le sujet de l’extrémisme d’un fou en rouge qui ne représenterait que son blouson en cuir et ses spikes sur la tête –, pensent que la liberté individuelle est le bien le plus précieux de chaque être humain et par-delà de l’humanité dans son essence et sa totalité, et tant pis – allez !, soyons honnêtes, tant mieux ne serait pas toujours totalement faux – si cela donne naissance (pour citer mon JGTàLF) à "un feu violent, destructeur et bref", à de l’excentricité, de la déviance, de la transgression, de la marginalité, devrait-elles, en soi, parfois, ou souvent si vous y tenez, ne pas être souhaitables : rien ne serait pire qu’un monde où chacun penserait et se comporterait "bien", parce qu’on lui a intimé l’ordre de le faire et que le pouvoir collectif a les moyens de contrôler chaque individu jusqu’au tréfonds de sa tête, individu qui n’aura plus alors le droit d’être ni libre ni responsable mais uniquement celui d’être soit victime soit coupable, soit dressé soit à dresser, et jamais… agentif – agent de sa propre vie, s’octroyant le pouvoir, l’empowerment, de la diriger – pour utiliser deux mots éminemment féministes libertaires.
Mais qu’on se rassure, tout ça n’a qu’un but, notre bonheur naturellement, en nous protégeant au besoin de nous-mêmes, faibles humains que nous sommes, incapables de savoir ce qui est juste pour nos existences. Alors partout, tout le temps, de plus en plus, au bureau de tabac, sur la route comme sur le trottoir, qu’on porte le voile ou qu’on ne chante pas la Marseillaise, qu’on adopte comme slogan "Je ne suis pas Charlie" ou "Je préfère louer mes charmes pour du pognon que de vendre mon âme à un patron", ouf !, des bourgeois-E-s puritain-E-s sont là pour nous ramener dans le droit chemin avec pour armes l’infantilisation, le paternalisme, la morale, et, si ça ne suffit pas, l’ostracisme et la répression – nous ne sommes plus des Juifs allemands, même pas des Berlinois, juste des putes musulmans…
Mais, ne vous trompez pas, je ne travaille pas depuis avril uniquement pour mettre au clair ma réflexion sur… "le fait social prostitutionnel", loin de là ! C’est avant tout mon héroïne que je poursuivais. On se connaît bien depuis le temps qu’on vit ensemble au quotidien tous les deux, elle et moi (enfin, surtout moi, aussi incroyable que cela puisse paraître à certains, pas une seule fois elle n’évoque le nom de Vaquette dans tout le roman !, mauvaise enfant…). Mais de là à ce qu’elle me laisse entrer avec elle dans les chambres d’hôtel à l’instant de ses passes, et qu’elle me raconte tout, peut-être même ce qu’elle cache à son bel amour, il nous a fallu pas mal de temps, beaucoup de livres lus ensemble et un paquet de grandes ballades main dans la main sur mes chemins de campagne. Mais ça y est !, je crois, non pas qu’on s’est tout dit, non pas qu’il ne reste plus aucune zone d’ombre entre nous et plus encore en elle, mais que j’en sais assez pour continuer à raconter son histoire sans trop dire de bêtises.
Et vous savez quoi ? Pour la peine, ce n’est même pas moi qui vais procéder à "l’analyse critique" du "fait social prostitutionnel" dans ce dernier chapitre (moi, je ne suis qu’un modeste témoin de sa jeune existence), mais bien elle, qui, ce faisant, laissant partir à l’aventure sa curiosité, sa révolte et son intelligence dans l’ethnologie, la socio, la psychologie… et bien sûr le féminisme le plus radical, va prendre confiance en elle, s’affirmer et trouver son chemin… agentif – je ne vous en dis pas plus, j’ai déjà bien assez teasé (voire spoilé). Après tout, le capitaine Conan trouve bien le sien dans la guerre, le héros de "Un prophète" en prison ou George Orwell "Dans la dèche à Paris et à Londres", alors, pourquoi pas elle dans "l’escorting VIP" et le militantisme pro-putes ?…
Et, vous savez quoi de nouveau ?, le modeste auteur que je suis se dit que, quant à lui, en laissant vivre, penser et écrire sa lumineuse Alice, il aura peut-être fait là un acte social, qui sait ?, utile, non pas en présentant la prostitution sous un jour rêvé en réponse au cauchemar que cherchent à nous imposer les bigotes "abolitionnistes", mais en donnant la vie à une jeune fille, de papier uniquement peut-être, mais admirable et ô combien aimable, et qui est un bel humain bien avant, tellement, tellement avant !, de pouvoir être réduite à un cliché, à une construction sociale normative qui nourrit si confortablement la stigmatisation et qui est, nous dit Paola Tabet, quant à l’essentiel "une énonciation des rapports de pouvoir – énonciation émanant, comme il se doit, de la partie dominante – et un instrument de conditionnement et d’imposition de ce pouvoir".
Et, une dernière fois, vous savez quoi ? Je ne sais pas vous, mais moi, ce "pitch", ce dernier paragraphe, ça m’évoque un bagnard très célèbre, un qui sauve Cosette et voit mourir Gavroche, et dont l’auteur a, il me semble, permis, peut-être, un peu, à la marge, qu’on regarde (sans doute d’ailleurs moins aujourd’hui qu’hier, années Sarkozy obligent), les misérables en général et les repris de justice en particulier avec un autre œil. Non pas que tous les bagnards soient Jean Valjean ou que la plupart des hommes sortent de la guerre, de la prison ou de la clochardisation plus heureux qu’en souffrance, mais parce qu’un roman – là est sa beauté, sa richesse, sa valeur et son sens –, c’est le contraire d’une étude statistique qui cherche à définir la "normalité" quand seules (la répétition est la base de la pédagogie) l’excentricité, la singularité, la marginalité, la déviance sont assez dignes d’intérêt pour mériter d’être exposées.
Vous me direz.
320 pages de notes tapuscrites, à peine un peu moins de feuilles volantes la plupart A4 recto verso et plus de 500 passages stabilobossés dans un petit (ou un gros, c’est selon) paquet de livres de référence. Et ce, uniquement pour ce nouveau chapitre. Et uniquement en guise de travail préalable… Il me fallait ça pour attaquer à présent le plan de cet ultime chapitre en sachant avec plus trop de doutes, je crois, où je dois aller. Et comment.
Bref – rires ! –, une Encyclique une fois encore outrageusement longue alors que j’aurais pu vous raconter l’essentiel en trois citations. Dans l’ordre.
La première, je vous l’ai déjà livrée il y a trois ans presque jour pour jour au moment où j’étais enfin arrivé à me lancer dans le premier chapitre après tant de travail préalable, elle est de Houellebecq : "On peut toujours (…) prendre des notes, essayer d'aligner des phrases ; mais pour se lancer dans l'écriture d'un roman il faut attendre que tout cela devienne compact, irréfutable, il faut attendre l'apparition d'un authentique noyau de nécessité. On ne décide jamais soi-même de l'écriture d'un livre (…) ; un livre (…) c'était comme un bloc de béton qui se décide à prendre, et les possibilités d'action de l'auteur se limitaient au fait d'être là, et d'attendre, dans une inaction angoissante, que le processus démarre de lui-même." Disons que pour terminer mon magnifique mur sud qui s’élèvera dans la lumière rayonnante du soleil, il m’a fallu réapprovisionner le chantier, porter quelques nouveaux sacs de sable et faire tourner un peu longtemps la bétonnière, mais ça va !, c’est bon, je crois avoir à présent assez de chaux qui m’attend pour achever mon chef-d’œuvre.
La deuxième (je ne la copie-colle pas ici), il s’agit du chapitre 17 de mon JGTàLF, "Vaquette réfléchit", qui raconte, c’est vrai ici comme pour tous mes projets précédents, comment je mûris mes travails : ouf !, Klossowski et le glagolitique sont derrière moi, je crois, et je ne me sens pas loin d’être prêt à attaquer le dernier bunker de mon nouveau bouquin.
Enfin, en guise de conclusion, allez !, on va revenir à du Noir Désir : "J’ai douté des détails, jamais du don des nues."
À bientôt pour de nouvelles aventures – je vous préviens sur Twitter dès que j’ai fini, je ne donne pas de dates, c’est devenu trop ridicule,
Champagne !,
L’IndispensablE
PS : "Aux prostitué-es, qui longtemps n’ont eu que les tatouages pour écrire leur histoire" : c’est la dédicace, pas mal classe, moi je dis, de "Femmes publiques". J’ajoute, au débotté, le nom de Gail Pheterson, et ça y est !, je crois que j’ai cité dans cette Encyclique les principales auteures qui m’ont le plus aidé et appris dans ce travail préparatoire. Merci à elles et mille excuses à celles et ceux que j’oublie.
PPS : Rien à voir avec ce qui précède. Vous avez été merveilleusement généreux depuis la sortie de mon "Je ne suis pas Charlie (je suis Vaquette)". Continuez. Noël approche, offrez encore et toujours les admirables œuvres vaquettiennes à tous les gens que vous aimez et à tous ceux que vous détestez, dans tous les cas ils le méritent. Merci à tous.
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Deux dessins et deux interviews
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Vite !, une loi contre les putes !, la peste noire est rouge et une interview radio pour le prix de trois
Je commence par l’interview radio, ou plutôt les deux interviews, ou si vous préférez, les trois fichiers que je vous offre.
Hein ? C’est quoi ça veut dire ? C’est une, deux ou trois interviews ?
Je vous explique.
À la base, il s’agit d’une seule interview réalisée par téléphone (désolé pour la qualité sonore) par Denis Bourdaud avec le fol espoir que Radio libertaire acceptera de la diffuser (ou sinon Fréquence Paris plurielle ou sinon… bref, je vous l’ai mise sur le web). Elle est très foutraque, avouons-le, et balaye avec un manque d’ordre certain (que regretteront assurément le ministère de l’Intérieur et celui de la Culture) ma longue et riche carrière avec tout de même un accent (maghrébin ?) mis sur mon dernier "Je ne suis pas Charlie (je suis Vaquette)" (ce qui justifie que je vous en fasse de nouveau la retape dans le post juste en-dessous – quel sens du marketing, ce Vaquette !).
Cette interview intégrale d’une heure, non montée, se trouve en MP3 ici.
Mais, conscient que, quant à l’essentiel, ceux qui suivent avec un peu d’intérêt mon travail n’apprendront pas véritablement grand-chose de nouveau en l’écoutant en totalité, j’ai procédé à un montage d’une petite vingtaine de minutes recentré sur mon nouveau roman. Ainsi resserrée (et même si, d’une certaine façon, on peut dire que ce que je raconte là est un rien redondant avec la colonne de gauche de cette Encyclique), cette interview ne me semble pas inintéressante (du tout) et cela offre, je crois, une image à la fois honnête et séduisante de mon prochain (oui, oui !, patience…) "Du champagne, un cadavre et des putes".
Vous pouvez écouter en conséquence ce montage en MP3 ici ou le visionner avec son seyant diaporama sur DailyMotion, là.
(Et ainsi, vous l’aurez compris, nous avons bien au final une interview originale présentée sous deux durées différentes pour un total de trois fichiers : ouf !, c’est plus clair comme ça.)
Passons à présent au dessin. J’y tiens.
Le voici en format web.
Et ici en haute définition.
Il est signé par Quentin Rouchet et par moi-même. Et il est absolument, totalement, parfaitement libre de droit : n’hésitez donc pas à l’utiliser, disons… à des fins de buzz et même de propagande sur le web ou en format papier. C’est son rôle.
Je m’explique de nouveau. En travaillant sur le sujet ces derniers mois (voir colonne de gauche), j’ai ressenti le besoin (peut-être à tort, je ne suis sûr de rien mais je ne vais pas m’empêcher de faire les choses par prudence, ce n’est ni ma nature ni mon chemin – charge à vous de me pardonner si je commets une erreur) de me positionner publiquement, et même de "m’engager" contre le projet de loi de "pénalisation des clients de la prostitution" (c’est-à-dire avant tout et de très loin, de pénalisation des putes, point barre : que ceux qui ne comprennent rien au sujet évitent d’ouvrir leur gueule avant de s’être un peu sérieusement renseignés). Bien sûr, ce "travail idéologique et culturel" contre la putophobie en général et ce projet de loi en particulier, je vais le faire de façon autrement plus profonde, construite et convaincante dans mon prochain (toujours…) roman (cf. de nouveau la colonne de gauche) mais seulement voilà, je suis désespéré, je l’ai bien assez écrit, et je suis pratiquement convaincu d’avance que "personne" ne lira un bouquin de 1.500 ou de 2.000 pages et, qu’en conséquence, aussi pertinent que soit mon propos, il aura extrêmement peu d’effet sur le débat public.
D’où l’idée (une fois encore, bonne ou mauvaise, je ne sais pas mais je tente ma chance) de proposer un dessin de presse qui peut être compris en quelques secondes et très facilement diffusé via le web. Avec naturellement, c’est le revers de la médaille, la conscience qu’il ne peut prétendre à aucune complexité ni profondeur ni nuance. Disons néanmoins qu’au final les deux objets me semblent d’honnêtes compléments. On peut même penser qu’entre les deux, le chaînon manquant pourrait être, au choix, un petit livre pédagogique consacré au sujet, pourquoi pas sur le mode "Français, encore un effort si vous voulez être républicains" qui peut se lire, soit comme une partie d’un roman plus large ("la Philosophie dans le boudoir"), soit de manière isolée (je veux dire que je pourrai extraire la partie "analyse critique du fait social prostitutionnel" (cf. la colonne de gauche une fois encore) de mon roman pour la publier seule), ou (choix numéro deux : envoie "2" au 66.69 !), j’y pense assez sérieusement, vous proposer à moyen terme une série de "conférences vidéos" plus ou moins sur le principe de "Une histoire de censure" et qui reprendrait à l’oral ladite "analyse critique du fait social prostitutionnel" de mon roman. On verra, vous pouvez d’ailleurs réagir à cela en guise, on va dire, d’étude de marché préalable.
En attendant, j’ai donc demandé à Quentin Rouchet de dessiner pour moi mon idée, ce qu’il a accepté avec grâce. La balle est donc à présent dans votre camp, faites buzzer si cela vous tente. En particulier, que tous les mouvements "pro-putes" n’hésitent surtout pas à utiliser à l’envi ce dessin (de préférence en citant les auteurs et en me tenant au courant, ce serait courtois) s’ils le jugent susceptible de modestement "servir la cause" anti-"abolos" : laissez !, c’est cadeau, ça me fait plaisir… Et pour la peine, je redonne ici les adresses dudit dessin : en format web ici et en haute définition, là.
Et puis c’est tout.
Euh… Mais tu ne nous avais pas parlé de DEUX dessins, Vaquette ?! Ah oui ! Peste… J’espérais que vous aviez oublié… Mais bon, si vous insistez, il me faut bien, je le crains, m’exécuter. Alors voilà, grâce à (ou à cause, je vous laisse trancher) Quentin Rouchet de nouveau, je suis devenu… dessinateur. On va dire ça comme ça. Et j’ai (oh combien modestement !) participé au projet Arche en me ridiculisant en public avec ce dessin d’un animal de mon choix (la justification drolatique dudit choix est ici) que les plus cruels d’entre vous pourront contempler – c’est facile de se moquer – ici, sur un magnifique fond rouge. Pardon aux dieux des arts et du bon goût.
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Revue de presse (I)
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Des interviews, des articles, beaucoup de lecteurs et 14 photos nouvelles
Pour ceux qui auraient raté tout ou partie de la flamboyante (voir post suivant, juste en-dessous) revue de presse de mon "Je ne suis pas Charlie (je suis Vaquette)", la voici, je crois in extenso.
Je ne radote pas exagérément (voir Bulle précédente) l’enthousiasmante interview sur YakaYaka ! ni le magnifique article dans le Mague pas plus que celui dans le journal de l’Union pacifiste paru finalement (mais avec trois mois de retard) malgré l’opposition farouche de quelques contempteurs, pour me concentrer sur le plus récent, ou le moins lointain plus exactement.
D’abord, l’interview vidéo d’une heure par le Cercle des volontaires réalisée par Arby et Raphaël aux Furieux. Vous savez quelle importance je donne à ce mot, aussi vous me croirez : elle est indispensable (même si mon insistance à rappeler que Dieudonné est antisémite me semble un peu gonflante à la longue). C’est dit. Vous ne manquerez pas en conséquence si ce n’est déjà fait d’aller la visionner sur leur site, ici, ou directement sur Youtube, là.
Autre interview, radio cette fois, par le dernier des fidèles – mais les derniers seront les premiers : revenu vivant de Corée du Nord, il mérite ce rang pour son courage, l’honnêteté et la constance avec lesquels il trace sa route de Tchernobyl au Collège de France. Vous pouvez ainsi retrouver mon entretien avec Patrick Imbert enregistré en avril au Connétable, par exemple sur son site, ici, au choix en version intégrale ou en bundle avec Jeanne Puchol, ou, histoire de faire riche, sur Crevez tous où le MP3 intégral, le même, est également disponible.
Enfin, je radote ici le post juste au-dessus pour ceux qui ne suivraient rien à rien : l’interview radio, elle aussi intégrale mais qui dure une heure, par Denis Bourdaud pour Radio libertaire (?) est disponible, toujours sur Crevez tous, en MP3, ici. J’y parle, entre autres, assez longuement de mon "Je ne suis pas Charlie (je suis Vaquette)".
Place aux articles nombreux et prestigieux à présent (voir de nouveau le post juste en-dessous…), à commencer par l’édito du 16 avril 2015 par Sébastien Jacquart dans "le Courrier économie" consacré à la liberté d’expression et, partant, à mon auguste personne : mazette, j’en rougis de fierté. André Stas également, dans sa chronique du C4, me fait l’honneur de sa plume, et dieu sait qu’elle compte, sa plume, dans les milieux les plus radicaux et les plus belges, deux bonnes raisons de lui faire confiance. Enfin, deux valeureux lecteurs, admirables, m’ont gratifié chacun d’une critique sur Sens Critique (le bien nommé), je ne peux que vous en conseiller la lecture, qui sait ?, si en société on vous demande un soir, une coupe de champagne à la main, ce que vous pensez de mon dernier opus, vous saurez alors quoi répondre. "Le Salut par les textes" est sur cette page et "À lire surtout si vous êtes Charlie !" sur cette autre : je ne vous ai pas menti, ça fait bien deux critiques en attendant les prochaines que vous ne manquerez pas de poster.
Et puis, bien sûr, pour finir, parce que c’est encore VOUS qui en parlez le mieux (je le fais bien, non ? ; Beigbeder, si tu as une place dans ta boîte de pub, tu penses à moi ?…), la page dédiée aux réactions des lecteurs s’est encore enrichie depuis la Bulle précédente. Que dire si ce n’est que vous êtes MerveilleuX (et que j’en fais trop peut-être). La preuve à cette adresse que vous parcourrez avec délectation.
Mais oups !, choléra !, où avais-je la tête ? J’allais oublier, c’eût été impardonnable. Parce que Patrick Imbert ne fait pas que des émissions science-fictionnesques (mais pas que) ni des voyages dans les dictatures et les centrales nucléaires les plus funs de la terre, il est aussi photographe. Voici donc 14 nouvelles photos prises par lui au Connétable en avril dernier (juste avant le concert avec le professeur Astier) et qui me donne l’air d’être très méchant et très vieux, on croirait même un parrain mafieux à en croire certaine maîtresse que je salue ici (j’en profite).
Tout est donc dit.
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Revue de presse (II)
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Vaquette est un raté qui a chié une daube – ou pas
(Maccarthysme, Nabe et Taddeï inside)
Avec un rien de cruauté mais surtout une lucidité et un courage dont je me targue, il me faut bien constater que la revue de presse précédente est maigre comme un chat arabe (ou persan pour ceux qui tiennent plus à la vraisemblance zoologique qu’à celle historique, culturelle, géographique ou politique) recueilli par Brigitte Bardot dans la pension qu’elle compte ouvrir prochainement en PACA (et dans le Nord-Pas-de-Calais) (et en Alsace-Lorraine).
Alors bien sûr, c’est entendu, je suis un raté, et qui plus est, fini (je sais, si j’étais plus prudent, je me garderais bien de tant le radoter : influençables comme vous pourriez l’être, vous risqueriez de finir par me croire). Et puis, c’est entendu aussi, mon "Je ne suis pas Charlie (je suis Vaquette)" n’a aucun intérêt. Quoique… avec un peu de recul, on peut douter un rien de ce jugement lapidaire. Parce que, même s’il ne s’agit pas de mettre sur le même plan ce texte épidermique écrit en quelques jours et mon nouveau roman ou mon précédent CD travaillés pendant de longues années, la surenchère bougnoulophobe que nous avons connu ces derniers mois à Béziers, dans les cantine de France ou chez les Nadine Morano de tout poil (blond de préférence), ou tenez !, la nouvelle affaire Benzema (la différence de "code comportemental et de valeur" entre "les deux France", l’ombre de Knysna qui plane tel un vautour dès qu’on parle de foot ou les réactions des uns et des autres dans les médias ou sur les forums : difficile de dire que pour tout ça je n’avais pas vu au moins un peu juste), ou… cherchez bien !, je suis sûr que l’actualité plus ou moins récente a dû, au moins quelques fois, faire penser à ceux qui ont lu mon très pacifique brûlot que je ne n’avais pas dit que des conneries anecdotiques dans ce petit livre rouge et, presque un an plus tard, il me semble autrement plus pertinent que le slogan "Je suis Charlie" devenu tellement has-been que son appli a dû être retirée depuis, j’imagine, du FashionStore du nouvel IPhonePad (le vrai nouveau !, pas celui de la semaine dernière… : pfff !, vous êtes vraiment trop à l’ancienne, les clochards…).
Et pourtant, pourtant… il me faut bien néanmoins, j’y reviens, constater que la revue de presse de mon dernier opus est maigre comme celle d’un raté has-been qui aurait chié une daube sans aucun intérêt. Jusqu’aux quelques rares qui années après années relayaient mon travail avec constance ont cette fois passé leur tour avec plus ou moins de franchise (à croire que mon serveur mail connaît un grave disfonctionnement pour que je reçoive si peu de réponses à mes relances). Mais j’imagine – la logique l’exige – qu’en lieu et place, ces journalistes ont dû courageusement mettre en lumière dans leur média un livre aussi peu "Charlie" mais écrit par un auteur plus talentueux et résolument, lui, plein d’avenir, et qui aura su bien évidemment nous offrir un opus tellement plus polémique, plus intelligent, mieux écrit et plus juste que celui du Prince du Bon Goût, enfin… qui fut Prince et qui désormais est déchu. Je ne vois que cela comme explication. D’ailleurs, il est incontestable que la presse a abondamment relayé les très nombreux ouvrages critiques parus chez tous les grands éditeurs sur l’imposture qui a suivi le 11 janvier dernier…
À moins, à moins bien sûr, peut-être, qui sait ?, que la vérité ne soit ailleurs…
Par exemple, dans ce passage du dernier (?) numéro de la revue "Patience" de Marc-Édouard Nabe que l’un de vous m’a envoyé – je le remercie une seconde fois ici, de tout mon cœur, ça m’a beaucoup aidé à apaiser mon sentiment d’échec – et que je vous livre quelques lignes plus bas in extenso.
Il y parle de censure et de Taddeï mais pas, comme il est d’usage (ou comme il fut d’usage ?), en opposant les deux. Et d’ailleurs, je vais pour ma part, ça fait un moment que j’y réfléchis, forcément, aller encore un peu plus loin que lui en proposant comme grille de lecture que, plus ou moins consciemment, plus ou moins lucidement, plus ou moins délibérément et cyniquement, Cohen et Taddeï ne soient au final que la déclinaison dans les médias d’un couple vieux comme l’histoire de la police : celui du méchant et du gentil flic. Cette hypothèse d’ailleurs trouverait judicieusement sa place il me semble en guise de conclusion du texte que j’avais consacré à ma dernière exclusion de "Ce soir ou jamais !" en avril 2013, texte qu’on pourra relire avec intérêt.
D’abord pour se foutre de ma gueule (comme rétrospectivement, on se moquera affectueusement de l’édito du Courrier économie cité plus haut dans ma revue de presse (I)…). Je l’ai amplement mérité tant j’ai été, je ne dis pas naïf, ce serait trop complaisant, mais carrément bien con sur le coup (cf. l’épilogue…). Mais aussi et surtout parce que les idées-forces défendues en fin de texte se révèlent aujourd’hui comme hier d’une cruelle vérité, en particulier l’affirmation que, par "ces mécanismes de censure jamais avoués", "on dresse toute personne qui tente de proférer une parole publique à n’être qu’un chien castré et formaté, comme on ne voit que cela dans tous les médias, dont la parole ne dépassera jamais le cadre de la bienséance de l’époque exigée par tous" – je vous laisse réfléchir à ça pendant cinq minutes, tous, mais en particulier les journalistes qui me lisent et qui sait ?, Frédéric s’il passe par ici…
Il me semble d’ailleurs que tout cela dépasse malheureusement et amplement le simple cas de Taddeï qui, oui !, a "oublié" de m’inviter (et même de décrocher son téléphone ou de me rappeler) pour mon "Je ne suis pas Charlie", et je m’en voudrais de sembler le dédouaner, mais ni plus ni moins que les autres (il n’a pas été le seul, et ils n’ont pas été que deux ou trois mais un peu plus tout de même à subitement me lâcher) et, si je ne dois retenir qu’un mot avant tout du texte de Nabe, ce ne sera pas précisément "Taddeï" mais plus généralement, et surtout plus essentiellement, partout, tout le temps aujourd’hui, "maccarthysme" – remplacer URSS par DAECH n’a pas changé grand-chose, semble-t-il. C’est drôle d’ailleurs – pour peu qu’on aime l’humour noir –, tout se rejoint, ce texte, ma Conjuration de la peur, les propos de Wendy McElroy dans la colonne de gauche ou encore, par exemple (parmi tant, chacun l’aura compris), la même colonne de gauche de l’Encyclique précédente (qu’on pourra relire également) : "Vive Le Pen !" Puritanisme, maccarthysme, ostracisme, espaces de déviance qui se réduisent année après année, etc., c’est drôle, disais-je, alors que je porte un regard manifestement pas trop faux sur l’époque, que la presse (y compris "d’extrême gauche") parle si peu de moi… – rires !, on a dit.
Allez !, comme promis, Marc-Édouard Nabe in "Patience" consacrée à Charlie :
"Ce samedi 10 janvier ne fut pas de trop. Ça faisait un an exactement que j'étais passé dans l'émission de Frédéric Taddeï, à peine 7 minutes 20 secondes, ce qui avait suffi pour faire scandale.
Les choses avaient bien changé. Venu récemment chez moi chercher les deux dessins qu'il m'avait achetés à mon exposition Hara-Kiri, Frédéric s'assit un moment, et on discuta un peu… Taddeï ne pouvait plus me recevoir à "Ce soir (ou jamais !)", ou alors sur des sujets anodins. J'étais interdit d'antenne chez lui sur Daech, Israël, Charlie, etc. Il y avait "la liste de Cohen", désormais il y aurait "la liste de Taddeï" : une liste de sujets permis ! Le pain d'épices, la Croatie, le Mikado, les pyramides aztèques, le verre soufflé, la culture agricole dans la Chine du Sud, Paul-Jean Toulet, les églises romanes, le triton en harmonie, les capsules de bière…
J'expliquais à Taddeï que Patrick Cohen avait donc gagné… Il pouvait bien se foutre de sa gueule, dire que c'était un con, un mec sectaire, un dépressif, Patrick Cohen avait mis tout seul à l'index quatre personnes et personne ne les invitait plus depuis. Quelle victoire !
D'après Frédéric, ma parole était devenue inaudible parce que la société s'était radicalisée. Il me dit que ça s'était tendu… "C'est le maccarthysme", avoua-t-il en s'en accommodant. Frédéric trouvait normal qu'il n'y ait plus de débat contradictoire. Et il en revendiquait l'autocensure pour un seul invité : moi, car j'engageais la responsabilité de l'animateur. Quand les Le Pen étaient reçus, ça ne faisait pas forcément des journalistes des complices, mais quand moi je l'étais par lui, si !
J'excède les limites de tout débat ! Très difficile d'admettre que ses meilleurs soutiens se soumettent au "maccarthysme" qui vous ostracise ! Ils ne peuvent plus assumer qu'à travers mon discours sur les exécutés de Charlie puisse transparaître un "Ils l'ont bien cherché", mais c'est exactement ce qu'ils me disent, eux : "Tu l'as bien cherché." J'ai voulu être un écrivain maudit, boycotté, réduit au silence ? Eh bien, je le suis, pourquoi m'en plaindre ? J'ai voulu la guerre, je l'ai.
Pour Frédéric, j'étais passé de "maudit" à "fou dans son coin". Quand je lui annonçai que j'allais sortir un deuxième numéro de Patience sur Charlie, il me dit que c'était très bien, que j'allais en vendre mille, et qu'il fallait que je me contente de mes lecteurs sans chercher à faire passer mon message au-delà de mon cercle de fans… Jolie profession de foi d'un médiateur du service public, censé relayer les avis divergents pour le plus grand nombre ! En revanche, il était tout à fait disposé à laisser s'exprimer les mêmes perroquets ne gênant en rien le système dont il partageait la cage !
Ah !, je le préférais cynique et relax, stratège amusé, dandy à panache, même avec ses limites… Taddeï était devenu crispé sur des principes, lui qui n'avait jamais eu d'opinion sur rien ! Visiblement, il obéissait à des ordres et par orgueil, feignait d'être personnellement convaincu ! Comme les autres, il était devenu un bon petit soldat de la propagation militaire de la parole unique. Il reconnaissait bien volontiers que moi je n'avais pas changé, mais lui, comme toute l'époque, était obligé de suivre le mouvement…"
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