Ami-camarade adorateur du Grand Mythe Vaquettien,
Comme toujours depuis un long moment, voici, dans cette colonne de gauche, des nouvelles de l’avancement de mon prochain bouquin.
Oups ! Non ! Pardon bien sûr !, suis-je distrait ?…, mon prochain bouquin – "Je ne suis pas Charlie (je suis Vaquette)" –, c’est à droite que j’en parle et je vous renvoie prioritairement à cette actualité qui motive ma Bulle 55 : la publication d’un livre de Vaquette, devrait-il être un pamphlet d’une grosse centaine de pages, c’est suffisamment rare tout de même pour qu’on le considère avec un minimum d’attention ! Lisez donc les infos dans la colonne de droite, puis cliquez sur la page Vaquette par correspondance, passez votre commande, ne soyez pas mesquins !, c’est très laid, prenez-en deux ou trois (ou cinq, ou douze), ça fera assurément un cadeau désagréable à destination des gens que vous n’aimez pas (et qui vous ont sorti tout un tas de bêtises horripilantes sur "l’attentat de Charlie" : voici une bonne occasion de vous venger en leur offrant en retour tout un tas de choses intelligentes et, du moins je l’espère, tout aussi horripilantes à leurs yeux). C’est fait ? Non ? Pas encore ? C’est bon ! Allez !, on vous attend cinq minutes mais ne traînez pas…
(Cinq minutes plus tard.)
Ouf ! Ces détails de trésorerie et de DIY réglés, on peut reprendre ici, dans cette colonne de gauche, le work in progress, non pas de mon prochain bouquin on a dit, mais de mon prochain roman, Du champagne, un cadavre et des putes.
La précédente Encyclique était interminable (mais je crois aussi intéressante pour les quelques ceux qui voudraient pénétrer les arcanes de mon travail), aussi je vais tenter, dans cette nouvelle Bulle, d’être très bref avec l’espoir de l’être au moins un peu – "Moi, vous me connaissez", disait San-Antonio… De toute façon, je m’en voudrais de vous radoter tout ce que je vous ai longuement explicité il y a trois mois et demi et je n’avance pas assez spectaculairement vite pour que j’aie, quant à l’essentiel, des choses profondément nouvelles à vous apprendre en aussi peu de temps (enfin, à l’échelle de l’écriture d’un roman, si on se place bien sûr d’un point de vue Facebook ou Twitter, j’ai pleine conscience qu’une durée aussi interminable m’a condamné à être oublié par chacun).
Quoique…
Le 31 décembre dernier – j’ai travaillé comme un chien pour tenir ce délai mais d’un point de vue psychologique, c’était important de clore l’année en laissant cela derrière moi –, j’ai mis en boîte le chapitre 6 de ma partie II : "C’est beau l’amour". Vous remarquerez l’absence de point d’interrogation bien sûr mais même de point d’exclamation : il est des émotions si fortes qu’elles ne supporteraient pas décemment la moindre mise en scène, la moindre ponctuation ostentatoire. C’est beau l’amour, c’est tout, ça se suffit et l’essentiel est dit. Alice aime Lawrence. Lawrence aime Alice. Et ils voyagent, ils parlent, ils baisent façon hard-core, ils se font des câlins, ils mangent, ils boivent des grands vins, elle prie, il pleure, ils dorment (très peu) au Danieli et au Ritz à Venise et Madrid, ils se grattent le dos, elle grandit et s’ouvre au monde du haut de ses vingt ans qui flamboient, ils lisent des livres, ils restent des heures sous le plafond de la chapelle Sixtine, elle lui taille des pipes, ils roulent en Harley, ils visitent Lascaux, la maison de Jean Lurçat, le Prado, la mosquée-cathédrale de Cordoue et des dizaines d’autres endroits d’exception, il lui achète des dessous, eux aussi d’exception, elle cherche le moyen de l’assassiner le plus cruellement possible, il lui offre, à genoux, des roses, ils font du chameau au Caire, il l’encule, ils se rendent à la gare pour ne jamais prendre le train, il joue du flamenco, elle philosophe dans son journal, lui aussi mais en garde à vue, c’est plus triste, il s’appellent dix fois par jour, pour rien, pour se faire des bisous, pour se répéter qu’ils s’aiment, il lui fait la cuisine, ils resplendissent de bonheur, ils parlent, ils baisent, ils voyagent, ils se font des câlins, ils grandissent : c’est beau l’amour.
Je suis très fier de moi.
D’abord, parce que je n’ai aucun souvenir – et mes lecteurs en avant-première me disent la même chose – d’un roman ou d’un film qui montre l’amour à ce point sous toutes ces facettes. Bien sûr, c’est un peu tricher parce que dans le "grand roman", celui du XIXème siècle, on ne "pouvait" pas parler de cul, au mieux on comprenait à certains moments que les personnages allaient ou avaient niqué, mais bien fort est celui qui aurait pu imaginer comment. Alors certes, pour ça, il restait Sade, et Rabelais pour la bouffe et le vin (encore que, de tout façon, l’analogie est fausse : ses paillardises sont très loin du raffinent esthétique que mes deux héros mettent un point d’honneur à incarner dans chaque détail), mais difficile de trouver beaucoup de câlins trop mignons, de jeux tendres et innocents et de mots doux chez ces deux auteurs… Pour décrire profondément la sensation de grandir, de s’ouvrir, de se révéler par la rencontre avec l’être aimé, oui !, il y a bien sûr Pygmalion ou Martin Eden, par exemple, mais voilà des couples qui ne coucheront jamais ensemble et c’est à peine dans le second cas si Martin et sa dulcinée échangent quelques gestes de tendresse une fois acquis que leur cœur se met à trembler lorsqu’ils pensent l’un à l’autre. Pour cela, pour voir mis en scène ce côté infiniment charmant, touchant de l’amour, les sourires, les rires, les petits jeux qui le font vivre au quotidien, et même Jacqueline Delubac radieuse sur son chameau au Caire, alors là, bien sûr, on peut aller piocher dans sa DVDthèque "Bonne chance !" de Sacha Guitry, mais franchement, est-ce que quiconque, même un fan absolu du "grand maître", l’imaginerait à poil, beau comme un dieu, en train de défoncer à la brutale sa chère et tendre sur la table de cuisine ? Soyons sérieux… On peut multiplier les exemples, on peut convoquer "Angelo, tyran de Padoue", "l’Éducation sentimentale", "Osez la sodomie", les "Bisounours", les guides Verts ou Rouge ou ce que vous voulez d’autre, je crois que pas une œuvre de fiction, jamais, n’a abordé l’amour dans toute sa complétude, celle que j’offre à contempler – parce que c’est beau l’amour – dans ce chapitre.
Et puis, ça, je ne l’avais pas vu tout seul mais on me l’a fait judicieusement remarquer. Les amours des grands romans ne sont jamais finalement véritablement belles, ou en tout cas dénuées de mensonges. Vronski est un pauvre type et notre Anna ne vit une folle passion que dans sa tête. C’est dans sa tête aussi, exclusivement, qu’existe Mme Bovary. Martin Eden, de nouveau lui, dieu qu’il aime… une sale petite bourge étriquée, il ne s’en aperçoit qu’à la fin. Esther dans "Splendeurs et misères des courtisanes" se perd pour un chien arriviste qui n’est prêt à rien sacrifier pour elle. Etc., etc., etc. Quant au cul, Sade, on ne peut pas dire que ce soit une incarnation des plus beaux penchants de l’être humain… Et à l’inverse, le pauvre Restif de la Bretonne, s’il s’est essayé à faire des bouquins de boule peuplés uniquement de pensées positives (pour montrer à quel point l’ignoble marquis avait tort…), force est de constater qu’il a écrit, là, la littérature pornographique la plus chiante du monde. Or – et je comprends bien que vous refusiez de me croire sur parole (auquel cas, patience !, vous verrez bien quand j’aurai enfin terminé) –, moi, mon histoire d’amour, et mes scènes de cul, elles sont exclusivement habitées par des sentiments grands, beaux et purs, et pourtant, je vous jure que pas une seule seconde on a le sentiment de lire du Harlequin imbécile, creux, irréaliste et mièvre, ou de mater une scène cheap de hard-amat’ dans laquelle des gens très ordinaires baisent à la papa. Et pour ça aussi, je suis très fier de moi. A posteriori, je me rends compte que c’était un challenge loin d’être facile à réussir et que des déchirements bien sordides et de la violence gratuite font plus aisément un roman "d’amour" et un bouquin de cul susceptibles de captiver le lecteur…
Oui, oui !, je sais, je sais, ce qui précède est d’une prétention difficilement acceptable et, de vous à moi, sincèrement, je n’en déduis pas que j’ai écrit là le plus grand roman d’amour de l’histoire. En revanche, je suis à peu près certain que j’ai peint l’incarnation du sentiment amoureux d’une façon remarquablement large, magnifique et singulière et qui j’espère transportera beaucoup d’entre vous. Tenez ! Ma maman m’a écrit ça après avoir terminé la lecture de ce chapitre : "Très, très belles choses, tu sais parler aux femmes" – il faut toujours écouter sa maman.
Je suis très fier de moi, j’y reviens ou plutôt je poursuis, parce que, écrire un dialogue Vaquette vs d’Astignac méchamment revendicatif, je l’avais déjà fait et bien fait ; camper un brillant barjot à la Jasper l’IncroyablE à la fois drôle, lyrique et subversif, pareil, déjà fait et bien fait ; un peu d’émotion tout en retenue, bah !, je m’en étais sorti à chaque fois avec mon Anna Karénine, mon Artémise ou, dans un autre registre, mon "Crève Vaquette !" Mais parler d’amour, vraiment d’amour, sans se planquer derrière l’ironie, la provo ou un idéalisme distancié ; parler de cul, pas comme un objet théorique ou une évocation plus vague qu’autre chose, mais très concrètement, avec des détails mais sans pose ; parler de tendresse, de jeux et de câlins, et de toutes les autres composantes de l’amour évoquées plus haut, bah !, vous en vous doutez je pense, c’était un sacré challenge que je n’avais encore jamais relevé et je suis très fier – je radote, ça aussi je sais, je sais… – d’avoir su m’en sortir, et su m’en sortir mieux que bien. Et ça me donne le sentiment de me renouveler, de continuer à avancer et d’avoir grandi en tant qu’auteur et en tant qu’homme.
Et puis, fier également, une fois encore, d’avoir eu "l’impudeur", comme dit Cocteau, de tout dévoiler, de tout livrer, sans jamais tricher, de "me mettre à nu" comme on dit mais comme on ne fait pratiquement jamais et de dévoiler le bonhomme caché derrière son masque rouge et qui est tellement loin, au fond, de la caricature de "l’homme fort", marmoréen et insensible que beaucoup imaginent. Je pense aussi que c’est pour cela que ce chapitre sonne vrai, parce qu’un auteur, ça ne peut pas être qu’un bon prestidigitateur qui vend des mensonges maîtrisés et bien mis en scène. Enfin, si !, c’est comme ça qu’on fabrique les best-sellers… Pas sûr en revanche que la méthode permette d’écrire un bon livre et a fortiori un grand livre…
J’ajoute pour la peine que je suis fier aussi car ce bouquin, ce chapitre en particulier, peut être lu comme une très belle preuve d’amour. Et un très beau témoignage. Un très bel hommage. Alors ouf !, ça, c’est fait, je peux mourir moins intranquillement, ça m’aurait embêté de garder en moi toutes ces jolies choses et de ne pas les offrir, à des lecteurs peut-être, et au moins à qui de droit.
Vous l’aurez compris, j’en suis certain, je n’avais déjà pas beaucoup de doutes arrivé à la fin du chapitre précédent mais, après avoir réussi à passer ce qui était, pour moi, l’ultime "challenge" qu’il me fallait relever (ce qui arrive, je suis sûr que je sais l’écrire : du (pour aller très et trop vite) revendicatif social d’abord puis du polar rigolo), je vous assure que le grand roman promis dans la Bulle précédente, le très grand roman même, je suis en train de vous l’écrire – vous verrez bien si je n’ai que de la bouche : je crains dégun…
À bientôt pour de nouvelles aventures,
Champagne !,
L’IndispensablE
PS : Peste ! J’ai oublié de faire mon épicier. Ça fait 200 nouvelles pages pour ce chapitre, soit 1.050 en tout, 3,64 fois mon premier roman et 58% des Misérables. Voilà pour les chiffres. Plus qu’un chapitre à écrire dans cette partie principale ("Pour vous, messieurs" : notre héroïne devient escorte – enfin !, c’était tout de même censé être le propos originel…). Puis la troisième et dernière partie (la résolution du polar) qui devrait couler rapidement. J’aimerais vous dire que le bouquin sortira cette année mais ça ne serait pas raisonnable de m’avancer à ce point. Je préfère rester prudent et taire ma gueule, et surtout croiser les doigts et bosser la tête dans la guidon. On verra.
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