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1/ Peux-tu te présenter ?
L'IndispensablE Tristan-Edern VAQUETTE, Docteur ès
Sciences, Vicomte de Gribeauval, Prince du Bon Goût
(dit aussi Mister Trash, le pape du hardly-listening, le punk
rouge, ou Monsieur Hard-core), musicien, auteur, performer
: bouffon de mon état, noble état qui consiste
à dire la vérité au prince qui, jadis,
vous garantissait l’impunité pour vos impertinences
et souvent même aussi pour vos pertinences, mais les
temps changent pour le malheur des hommes et le bonheur des
juges, les rois sont défunts, pleurons-les, à
bas la République !
2/ Peut-on faire un best-seller avec de la critique radicale
?
Tout dépend de ce qu’on entend par "radical".
La vraie contestation radicale ici et aujourd’hui, c’est
d’être islamiste inculte, ascète, fanatique,
ultra violent et de poser des bombes dans le métro.
Là, on récuse réellement tous les fondamentaux
de notre société : sécularisation, humanisme,
argent, raison, culture et lâcheté. Produire
un livre, un spectacle, un disque ou un tableau, aussi "hard-core"
et sincèrement contestataires puissent-t-ils être,
est un acte plus social qu’antisocial, je veux dire,
un acte qui reconnaît comme légitimes les moyens
d’expressions que la société considère
comme tolérables. Le propre de nos sociétés
bourgeoises étant de magnifiquement savoir récupérer
tout ce (à défaut de tous ceux) qui la conteste,
oui, je pense qu’on peut faire un best-seller avec de
la critique radicale. D’ailleurs, à ma connaissance
Molière était joué à la Cour,
Picasso était une star de son vivant, les Bérurier
Noir ont vendu des centaines de milliers de disques, jusqu’à
Eminem, José Bové ou les gens d’Attac
qui ont un accès massif aux médias. De toute
façon, le succès n’est jamais un signe
de talent, ni dans un sens, ni dans un autre, il y a nombre
d’immenses artistes qui ont crevé dans la misère,
et des tas de mauvais prétentieux qui croupissent et
croupiront dans l’anonymat – quant aux mauvais
qui brillent des mille feux de la vanité, de l’insignifiance
et de la gloire factice, il suffit d’allumer la télé
pour contempler leur néant. Le succès, c’est
simplement une affaire de maîtrise technique et de hasard
des calendriers – un malentendu a dit je ne sais plus
qui.
Ce qui est certain, c'est que ma devise "contre tout,
contre tous et tout le temps" tombera d'elle même
le jour où une foule de pisseuses en rut et de branleurs
en street wear crieront à Bercy "Ouais ! trop
cool ! il nous insulte ! moi aussi je suis un rebelle comme
Vaquette !" En attendant, si je dois choisir entre
Léon Bloy et Lorie, je n'hésite pas une seconde
: je prends Lorie (très fort, sans capote, en sandwich
avec son producteur).
3/ Peut-on être à la fois anti-Sollers, anti-Le
Pen, anti-mondialisation, anti-guerre d’Irak et anti-conformiste
?
Difficilement. C'est exactement pour cela que je crache en
premier lieu sur la "nouvelle" littérature
branchouille, cocaïnée et mondaine, sur les résistants
formidables de courage et seuls contre tous qui, tout de même
d'accord avec 80% de la population, ont fait barrage de leurs
corps au fascisme en élisant Jacques Chirac, sur les
jeunes rebelles alter mondialistes qui résistent au
système en écoutant du reggae rebelle produit
par Sony Music ou en forwardant des pétitions contre
la World Compagny sur leur PC IBM via un logiciel Microsoft
et une liaison haut débit AOL Time Warner. Quant à
la deuxième guerre en Irak, j'avoue, j'étais
contre, mais bon, j’ai une excuse, j'étais aussi
contre la première.
4/ Le titre du livre : "Je gagne toujours à
la fin". Ce n’est pas présomptueux ?
Il y a bien longtemps, je suis entré dans un chiotte
sur la porte duquel était marqué "Buvez
Coca-Cola". J’en suis ressorti très amer.
Depuis, j’ai appris à ne pas toujours prendre
au premier degré ce qu’il m’était
donné de lire. Plus sérieusement, nous rejoignons
là ta deuxième question, deux fois. D’abord,
parce que je suis persuadé que la valeur paie à
terme, que ceux qui "conteste la société"
pour la faire progresser sont toujours reconnus… à
la fin même si on leur a craché dessus de leur
vivant (Louise Michel ou Sade sont dans les dictionnaires,
mais qui connaît le nom des juges qui les ont condamnés
?) Ensuite, parce que justement afficher la certitude que
l’exigence, la sincérité et le courage
gagnent à la fin, c’est être profondément
dans "la critique radicale", c’est aller à
l’opposé des idées dominantes de la société
actuelle de facilité, de cynisme et de lâcheté
qui fait dire sans rire au plus grand nombre que BHL est un
intellectuel, et aux autres, "Ouais, z’y va Vaquette
! trop cool, balance sur BHL, et te prends pas la tête
: fais tourner la weed."
5/ C’est un roman d’aventures ou un roman politique
?
Les deux mon général. Moi, je suis fan de San-Antonio
ou d’Alexandre Dumas (tout autant que de Bernanos d’ailleurs).
Les romans actuels des petits cons bourgeois du quartier latin
qui te racontent leur pauvre vie ou t’échafaudent
des grandes théories sur l’amour, la politique,
la vie et les vaches, ça me saoule passablement. C’est
un défaut très commun de penser que ce qui est
profond est nécessairement abscons et chiant : c’est
ça la vraie prétention. En ce sens, et bien
que d’autres choses nous rapprochent, je suis un anti-Nabe.
Lorsque j’ai écrit mon roman, j’avais pour
référence "Splendeurs et misères
des courtisanes" de Balzac qu’on peut lire comme
un roman de gare, et puis tout de même, derrière,
putain, qu’est-ce que ça "balance"
! J’espère avoir fait aussi bien. Non, je plaisante,
j’espère avoir faire mieux…
6/ C’est facile de faire la révolution quand
on est habillé en diable rouge et qu’on se donne
en spectacles dans les bars branchés de Paris ?
La révolution, c'est de remplacer un pouvoir par un
autre, ce qui n'est absolument pas mon ambition. Moi, je suis
un "délégitimeur". Mon seul but est
d'affaiblir les pouvoirs (et en premier lieu le pouvoir de
la morale commune, c'est à dire des idées dominantes)
en mettant à jour leurs mensonges, leurs ridicules
et leurs contradictions. Pour les bars branchés, précisons
que j'ai été tricard pendant près de
dix ans dans quasiment tous les bars à musique parisiens
à l'exception de quelques très rares endroits
hard-core et que je joue aujourd'hui encore dans un squat.
Quant au personnage de "diable rouge", c'est le
contraire d’un look mode, un aspect formaté que
l’on prend pour complaire à un groupe social,
c’est au contraire une tentative anecdotique d’être
spécifique et remarquable jusque dans l’apparence
que je présente aux autres. On se créé
tous un personnage en société, non ? disons
que j’essaye de présenter un personnage qui soit
un peu plus personnel que l’uniforme du branleur de
banlieue en Nike, du cadre en cravate, de l’écrivain
en loden ou du chanteur de rock en jeans à trou.
7/ Le bon goût, c’est quoi ?
Voler le roman de Vaquette à la Fnac ou à Virgin
en passant entre deux vigiles blacks qui rêvent de te
mettre la fièvre (pendant des heures), et aller ensuite
te le faire dédicacer par l'IndispensablE en personne
à la sortie de son spectacle en ayant royalement laissé
à l'entrée (en libre responsabilisation) les
20 € ainsi économisés.
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