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1/ D'où vient l'idée de "Vaquette",
ce personnage que tu incarnes, que tu représentes,
que tu vis... ?
Pour aller très et trop vite, disons que Vaquette,
c’est la meilleure part de moi-même, ou, plus
exactement, celle que je souhaite transmettre, montrer aux
autres, celle qui me permet de "gérer"
la relation sociale. Après, le temps, la pugnacité,
le courage (j’entends, l’antonyme de lâcheté,
bien sûr, mais également celui de paresse), l’opiniâtreté,
l’humilité aussi - eh oui ! - qui métamorphose
un désir, un concours de bite outrecuidant et bravache,
en une réalité tangible… nous sommes là,
semble-t-il, au cœur de la foi (l’une des trois
filles de la Sagesse, rappelons-le, avec l’espérance
et l’amour), celle qui mène les chrétiens
dans l’arène et les musulmans dans le World Trade
Center, je veux dire, en plein délire nietzschéen
: "transformer tous les "cela fut" en un
"c’est là ce que j’ai voulu"
- voilà ce que j’appellerai d’abord rédemption.
Vouloir délivre".
2/ Pourquoi t'appelles t'on "l'Indispensable"
?
Plaît-il ? La réponse n’apparaît
pas d’évidence ?
3/ Te considères-tu comme un "rebelle",
voir un "subversif" et si oui, pourquoi et comment
?
L’arme favorite de l’imposture est la confusion
des termes, et il semblerait que la "rebellitude",
pour la plupart, consiste à gueuler "Nique la
flic" en écoutant servilement du hip-hop ("J’veux
voir tout le monde la main en l’air"…), à
défiler en masse contre Le Pen, et à exiger
via Internet la libération de José Bové.
Moi, je préfère chanter place de la Bastille
"Vive Le Pen" droit dans la face des manifestants
du 1er mai 2002, tout en étant clairement, évidemment,
réellement "anti-fasciste", mais en mettant
le doigt sur l’immense imposture qu’est la religion
droit-de-l’hommienne et anti-raciste, sur le "Tout
le monde derrière, comme en 14, et pas une tête
ne dépasse" qui prétend pourtant résister
au totalitarisme : 80% de résistants en France, quel
progrès en 60 ans ! Disons qu’il me semble plus
pertinent de "dénoncer" la lâcheté
individuelle quand chacun justifie ses propres reniements
par un "C’est la faute à" : la télé,
les fachos, les patrons, les racistes… pour les uns
; les arabes, l’État, le porno, Ben Laden…
pour les autres ; et que l’engagement, "la rebellitude",
ne consiste, semble-t-il, qu’à choisir son camp
entre ces deux possibles, ces deux chapelets de boucs émissaires.
En ce sens, je ne suis pas un "rebelle", un "subversif
", car je n’ai aucune aspiration à remplacer
le "système" par un autre, simplement, je
tente de "le" délégitimer un tant
soit peu afin de l’affaiblir, de restreindre son pouvoir
de nuisance : le pouvoir qu’un flic, qu’un militaire,
que la loi a ou peut avoir sur vous, bien sûr, mais
aussi celui que la morale, que toutes les morales ont sur
nous, et puis, celui que l’amoral, le cynique voudrait
avoir sur tous, dans la réalité économique,
ou dans sa relation aux autres, à l’autre, et
puis encore, celui des certitudes dominantes, de tous les
mensonges incontestables et admis qui font une société
à une époque, et qui seront bien vite remplacés
par d’autres (mensonges), par les mêmes (personnes).
4/ A notre époque (...), penses-tu que le "look"
puisse être un vecteur de marginalisation (à
l'heure où toutes les anti-modes nourrissent les modes...)
?
Ta question et perverse et (conséquemment ?) intéressante,
parce que la première réponse qui vient à
l’esprit est évidemment non : il est aussi conformiste
d’être branleur de banlieue en Nike que cadre
à IBM en cravate (Et celui qui dit "Ouais trop
cool, t’as raison Vaquette, vas-y, balance",
que celui là regarde son jean, son bomber, son t-shirt
blanc, noir ou "fun", ses Weston, ses Doc’s,
que sais-je ? et qu’il se demande s’il ne ressemble
pas justement à ce qu’il est, s’il n’est
pas finalement rien d’autre qu’un singe.) Et puis,
à l’inverse, il est absolument manifeste que
mon "look" est un filtre prodigieusement efficace
qui parle de moi vite et plutôt bien, qui m’attire
la méfiance et l’agressivité de ceux qui
pensent qu’il n’est aucun salut hors des règles
(que ces règles soient la loi, la religion, la pensée
officielle du parti ou de la bande, le règlement intérieur,
ou le "Tu te rends compte si tout le monde fait ça
!"), mais aussi d’emblée la sympathie
des autres. En fait, le look est un outil, et, comme tous
les outils, il n’est jamais rien d’autre que ce
que l’on en fait. L’immense majorité l’utilise
pour marquer son appartenance à un groupe, à
une meute, mais il peut aussi être utilisé par
certains (très et trop rares) dans un but strictement
opposé, pour marquer leur volonté de s’affranchir
de tout modèle, pour tenter d’afficher leur propre
personnalité, leur "moi" réel
contre le "surmoi" social (dirait tonton Freud).
En ce sens, mon look est aussi un outil de délégitimation
(voir question précédente), une preuve visible
qu’une certaine émancipation à l’encontre
de la contrainte sociale (au sens large, il n’y a bien
sûr aucune loi qui oblige à porter l’uniforme
ou la barbe en France) est possible, mieux, qu’elle
est souhaitable (au yeux de ceux à qui il paraît
sympathique du moins).
5/ Quelle serait ta définition de l'élégance
?
Préférer une belle défaite à
une victoire sans grâce.
6/ Peux-tu un peu décrire tes spectacles, tes
représentations ?
Ta petite sœur est slovène (ou papou, ou trisomique)
et elle ne comprend pas un traître mot de notre jolie
langue ? Convie-la à un spectacle de l'IndispensablE,
et probablement n’y verra-t-elle que du café-théâtre
musical, un brin rock’n’roll pourtant car je joue
dans les squats ou les bars punks, jamais au Point Virgule.
Si elle comprend, là, elle risque de trouver cela infiniment
plus hard-core, "trash-intello" s’il faut
vraiment une étiquette. "Trash", car
les faveurs de la demi-culture Télérama (comme
on dit demi-mondaine) me sont absolument interdites, "
Intello", car je ne suis pas nu sur scène, je
ne fais pas de bruit avec des guitares saturées, et
je ne prône aucun sacrifice de flic au machinegun.
7/ Ta meilleure anecdote là-dessus ? Un truc
de dingue qui a pu t'arriver justement...
Un seul ?! Allez ! Festival d’Avignon 1998 : pneus
de la voiture crevés, pare-brise cassé deux
fois, affichage décroché par la mairie, plainte
officielle au directeur de mon théâtre, une autre
à monsieur le maire, des insultes et des crachats quotidiens,
trois agressions physiques pour finir - ajoute à cela
deux accidents : un tonneau sur l’autoroute en y allant,
et une hémorragie interne au genoux après un
choc dans la rue contre une bite (authentique) - "Trash-intello"
on a dit, non ?
8/ Niveau musical et autres références
culturelles, où te situes-tu ?
Tremble, ami-camarade journaliste, car, s’il faut être
exhaustif, Clark va bientôt posséder 1515 pages
au grand dam de tes lecteurs et pour la bonne fortune de ton
imprimeur. Allez, dix noms au hasard, mais je voudrais t’en
donner cent : Bloy, Wampas, Tilly, Greenaway, Costes, Bernanos,
Godard, Bérurier Noir, Sade, Ferré. Tous "trash-intello"
(toujours…) c'est-à-dire à la fois habités
par une ambition, une prétention artistique gigantesque,
mais refusant violemment la "poétisation"
des choses qui n’est, pour la plupart, qu’un tour
de passe-passe qui transforme "J’ai envie de t’en
mettre une, une grosse, dans le cul, tout de suite",
en "Tes yeux sont si jolis, tu es intelligente."
9/ Tes projets
D’abord, trouver pour mon premier roman ("Je gagne
toujours à la fin") un éditeur dont les
humbles génitoires soient à l’égal
de sa prescience en matière de postérité,
puis achever avant la patience de mon fidèle public
l’écriture de mon prochain spectacle ("Crevez
tous") qui devrait, je l’espère, voir le
jour courant 2003. Essentiellement, conserver l’envie
de poursuivre ma "quête" et pouvoir dans dix
ans me regarder avec la même fierté qu’aujourd’hui
– bon d’accord, je mens. Mes projets ? la gloire,
les tasses, Ardisson, la grosse caillasse et la paire de Nike
– pour le reste : www.vaquette.org/actualite.
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